
La monnaie pleine... et l'économie implose
L’initiative Monnaie pleine, munie de plus de 110 000 signatures valables, a été déposée le 1er décembre 2015 avec une forte communication. Elle demande que les banques ne soient plus autorisées à utiliser les dépôts à vue des clients pour couvrir leurs crédits. Tous les crédits devraient être intégralement couverts par des fonds de la banque centrale et les dépôts de la clientèle devraient être soit conservés en numéraire, soit déposés auprès de la Banque nationale suisse (BNS). Cette mesure permettrait d’éviter des retraits massifs en situation de crise.
Mais pourquoi la monnaie pleine?
Au vu du bouleversement énorme qui en résulterait, on peut se demander pourquoi il faudrait instaurer la monnaie pleine. Précisément en Suisse, qui fait office de modèle en termes de stabilité et de prospérité. Et précisément dans un pays qui a tiré plus tôt que les autres les enseignements de la crise financière.
De nombreux arguments plaident contre l´initiative.
Quiconque recherche des réponses étayées ne les trouvera pas même sur le site Internet des auteurs de l’initiative: on y cultive des dogmes comme le franc "véritable", la volonté populaire de 1891 ou l’économie de marché sans privilèges grâce à la nationalisation de la création monétaire; mais pas un mot sur les conséquences concrètes pour les citoyennes et les citoyens suisses, pour la compétitivité de nos PME et pour la prospérité du pays. Le fait est que de nombreux arguments plaident contre l’initiative.
Réorganisation complète à tous les niveaux
La nationalisation intégrale de la création monétaire nécessite une réorganisation institutionnelle complète et ferait de la BNS une autorité monétaire toute-puissante. Ce ne serait plus le marché qui déciderait du montant des crédits octroyés à l’économie, mais des économistes dans leur tour d’ivoire. Pour la population en revanche, les avantages pleuvraient comme une manne céleste.
Avec les banques disparaîtraient quantité
d´emplois et de places de formation.
Sous l’empire de la monnaie pleine, le système bancaire lui aussi connaîtrait une restructuration complète. On verrait apparaître de fait deux catégories de banques: les banques de dépôt et les banques de crédit. Quant à leurs perspectives d’avenir, elles se résument en quelques mots: faute de compétitivité dans le domaine des opérations de crédit, ces banques imploseraient, et avec elles disparaîtraient quantité d’emplois et de places de formation.
Désastre économique
Non sans motif. Le système de la monnaie pleine causerait d’inestimables dégâts. Obligées de détenir les avoirs à vue en numéraire et sans intérêts, ou de les déposer auprès de la BNS à des taux négatifs, les banques n’auraient d’autre choix que de saigner à blanc leurs clients pour assurer leur rentabilité. Les principales victimes seraient les petits épargnants sans portefeuilles de titres, qui n’hésiteraient pas alors à effectuer des transferts vers des systèmes bancaires parallèles ou à l’étranger.
Le système de la monnaie pleine
causerait d´inestimables dégâts.
L’économie serait également mise à rude épreuve. Si les banques peuvent aujourd’hui financer les crédits à bon prix sur les avoirs de la clientèle, à l’avenir, elles seraient obligées pour cela de souscrire des prêts à grands frais. Au moment où les PME ont plus que jamais à se battre, leurs crédits se renchériraient massivement – à supposer que l’octroi de crédit entre dans le cadre de la politique monétaire de la banque centrale. Car si cela ne devait pas être le cas, les PME seraient carrément privées de crédits, et donc d’investissements. Si, intellectuellement, la genèse de l’idée peut paraître séduisante, la Suisse du XXIe siècle ne peut vraiment pas se permettre de mettre péril son économie. L’initiative Monnaie pleine doit donc être rejetée.